Rencontre avec Jean-Jacques Farré : l’amour du papier et l’instinct du regard

Jean-Jacques Farré, vous êtes le fondateur et rédacteur en chef de la revue trimestrielleLIKE, dédiée à la photographie. Quel a été votre parcours avantLIKE ?

Après mes études aux Beaux-Arts de Saint-Étienne, je me suis naturellement tourné vers la photographie. J’ai intégré le service photo du journalLibération, où je suis resté pendant sept années riches en expériences. Ensuite, j’ai fondé un studio de création graphique spécialisé dans les nouvelles formules, les hors-séries, les numéros spéciaux pour la presse. J’ai aussi occupé le poste de chef du service photo Télérama. Un parcours qui m’a donné une vision globale du milieu, tant sur le fond que sur la forme.

Vous serez présent au VIF en tant que membre du jury, partenaire et conférencier. Racontez-nous la genèse de cette aventure éditoriale.

Quand le confinement a été décrété, comme beaucoup d’entre vous, je me suis retrouvé à l’arrêt. Tous les projets en cours avec mes clients et partenaires de la presse écrite ont été gelés du jour au lendemain. Pour la première fois depuis longtemps, j’avais du temps. Du vrai temps. L’occasion de réfléchir à une direction où, pour une fois, je serais mon propre commanditaire. En 2019, j’avais lancéTouslesjourscurieux, un magazine photo 100 % numérique, distribué via une appli. Quinze numéros ont vu le jour, mais l’expérience s’est soldée par un échec financier. J’ai alors compris une chose essentielle : pour un éditeur indépendant, il n’existe pas – ou très peu – de modèle économique viable sur le numérique. Il faut des budgets colossaux pour générer un flux conséquent, ce que je n’avais pas anticipé. En plus de ça, j’étais frustré par le peu de liberté graphique et éditoriale qu’offre le web. Alors, avec ce temps inespéré devant moi, j’ai décidé de repartir sur autre chose. Plus radical. J’ai créé une revue – et non un magazine – pensée comme un espace d’expression pour les photographes, où ils pourraient enfin développer leurs intentions en profondeur. Et surtout, sur papier. Car pour moi, rien ne remplace le papier. Une photo imprimée, c’est une autre dimension, une autre émotion. On ne célèbre pas une image sur écran comme on célèbre une image imprimée. En quelques semaines, j’ai tout monté depuis ma cuisine : un ordinateur portable, du café, un téléphone. Et en juin, le numéro 1 est sorti. Les abonnés ont répondu présents. C’est comme ça que l’aventure a commencé.

Votre lien avec le VIF ?

La revueLIKE existait depuis deux ans quand j’ai découvert, par le biais de votre association, votre programmation. J’ai tout de suite été séduit par la richesse de votre proposition. J’ai donc pris contact pour vous proposer que notre revue participe à l’édition. C’est comme ça que tout a commencé. Nous avons eu l’honneur d’inviter Edwy Plenel pour une conférence hommage à Élie Kagan, à l’occasion de notre numéro 8 dans lequel figurait un dossier consacré à son travail. Ce fut un très beau moment de transmission.

Quels seront vos critères de sélection pour les séries photographiques, cette année sur le thème “L’harmonie du chaos” ?

Le coup de cœur, avant tout. Nous cherchons une émotion, un regard singulier. L’harmonie du chaos, c’est vaste — c’est même très stimulant. Ce que nous espérons, c’est être bousculés, surpris, émerveillés.

Vous avez choisi de lancer une revue imprimée. Vous en parlerez dans votre conférence. Quelle est votre analyse de la situation du print aujourd’hui ?

La presse print vit un moment paradoxal. Les grandes enseignes commeLe Monde,Le Figaro ouParis Match misent tout sur le numérique et l’abonnement en ligne. Résultat : une audience en hausse, mais des ventes papier en déclin.

À l’inverse,LIKE est un objet purement imprimé. Nous assumons ce choix de la niche. Pas de kiosque, mais une présence en librairie, là où le lecteur vient chercher un objet de qualité, un temps de lecture. C’est une aventure artisanale et exigeante : nous gérons tout, de l’éditorial à la maquette, des abonnements à la diffusion. Aujourd’hui, nous avons atteint l’équilibre, avec une progression de +334% de nos lecteurs l’an dernier. C’est une belle dynamique ! Mais il nous faut encore consolider l’équipe, intégrer de nouvelles plumes, de nouveaux regards. D’où notre présence active dans les festivals, les salons, les foires.

Quel regard portez-vous sur l’avenir de la photographie, entre IA, digital, retour à la pellicule et mutations technologiques ?

Tout change… et rien ne change. Tous les dix ans, une nouvelle révolution technique bouscule la photographie : numérique, smartphones, IA aujourd’hui… Cela crée des secousses, des remises en question. Mais les photographes s’adaptent, inventent, expérimentent. Certains reviennent à l’argentique, d’autres plongent dans les outils numériques ou explorent l’IA. Ce qui compte, c’est que le regard reste vivant. La photographie continue de se réinventer, comme elle l’a toujours fait.







© Charles Comiti

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